La rétrocession des compétences santé drogues vers les entités fédérées aurait dû constituer l’opportunité de rendre plus cohérent(s) le(s) secteur(s) assuétudes bruxellois. On doit surtout craindre qu’il(s) reste(nt) tout aussi complexe(s) et éclaté(s)… Avec une série de restrictions budgétaires en plus! L’exemple du projet d’infirmière sociale de l’asbl DUNE aujourd’hui menacé illustre le difficile combat qui s’annonce pour continuer à exercer nos métiers de façon décente et atteindre nos objectifs de santé et d’intégration sociale des usagers les plus précarisés.
Le travail au sein de nos secteurs est confronté, de manière systémique, à de nombreuses difficultés : perception négative de nos publics, manque de moyens structurels, lourdeur du travail, difficulté de trouver du personnel qualifié, et pour couronner cela un cadre, ou plutôt des cadres réglementaires incohérents criminalisant nos bénéficiaires ainsi qu’une multitude d’autorités compétentes qui fragmente le(s) secteur(s) spécialisé(s) en assuétudes.
La réforme de l’Etat et les transferts de compétences vers les régions remettent à l’ordre du jour cet objectif de réorganisation(s) sectorielle(s) sur des bases plus claires… Espoir déjà déçu ? Les acteurs de terrain sont actuellement laissés dans une obscurité quasi complète sur leur avenir. Mais selon les trop rares informations qui percolent, cette réforme risque de laisser le « secteur » bruxellois aussi disloqué qu’auparavant.
Côté finances, très concrètement, une autre réalité est déjà à nos portes concernant certaines politiques fédérales prochainement régionalisées. Le niveau fédéral commence à se délester de programmes en prétextant de la régionalisation des compétences, alors que les budgets afférents ne sont pas encore transférés!
L’exemple, brutal, nous vient du SPP Intégration sociale, acteur fédéral qui « s’efforce de garantir une existence digne à toute personne passée entre les mailles du filet de la sécurité sociale et vivant en situation de pauvreté » (http://www.mi-is.be). Dans ce cadre, le SPP Intégration sociale soutient DUNE en lui assurant un poste infirmier et l’achat de matériel via un financement annuel. En dépit des difficultés administratives et du manque de pérennité, ce budget permet aujourd’hui de donner des soins gratuitement, de façon inconditionnelle, aux usagers en rue ou fréquentant le CLIP (Comptoir local d’information et de prévention). Les soins infirmiers constituent une stratégie d’accroche des usagers les plus marginalisés qui a fait ses preuves pour stimuler l’émergence d’autres demandes, qui sont prises en charge par le service social de DUNE et/ou relayées aux intervenants adéquats. Ce service infirmier s’inscrit donc dans une démarche visant une meilleure insertion sociale des usagers de drogues.
Lors d’une visite organisée ce 15 juin au CLIP par le Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté, la Secrétaire d’Etat en charge de l’intégration sociale, Maggie De Block, a annoncé à l’équipe de DUNE sa décision de suspendre le financement alloué au projet de dispensaire infirmier dès le 30 septembre 2012. Motif invoqué : le transfert de compétences… Il resterait donc 3 mois à l’asbl pour trouver une solution alternative pour pouvoir continuer son projet.
Outre le fait que l’argument des compétences régionalisées est fallacieux vu que les budgets restent pour le moment (et probablement jusqu’en 2014) au fédéral, on constate les délais ridicules laissés à l’asbl pour s’organiser, juste avant les vacances scolaires, ce qui n’est peut-être pas un hasard. Par ailleurs aucune notification officielle écrite n’a à ce jour été fournie à l’équipe, ce qui laisse peu de possibilité de contester les arguments donnés !
A côté d’une décision qui risque de nous priver d’un dispositif touchant des personnes qui échappent au système de soins, nous ne pouvons que déplorer et condamner ce type de méthode brutale qui témoigne du peu de considération des professionnels qui dépendent de ces subsides. Malgré l’assurance faite par la Secrétaire d’Etat fédéral à l’équipe de DUNE qu’elle négociera le transfert des compétences avec la Région de manière à garantir la continuité du projet, aucune information précise n’a été fournie au sujet de ces concertations. En attendant le compteur tourne…
Les acteurs politiques bruxellois responsables et/ou concernés doivent interpeller en urgence la Secrétaire d’Etat pour avoir des compléments d’informations sur cette décision et les méthodes utilisées par Mme De Block. DUNE et ses bénéficiaires sont aujourd’hui victimes. Et après ? Nous sommes convaincus que laisser passer ce type de décision arbitraire sans réaction serait un très mauvais signal de passivité et de laxisme donné par nos responsables régionaux à l’encontre de leurs interlocuteurs du niveau fédéral.
Face à ce type de décisions prises à la hussarde, on peut en effet se demander quel sera l’avenir du secteur? Quelles seront les garanties de maintenir les – maigres – moyens jusqu’à présent alloués afin d’assurer nos missions ? Et après l’essai transformé du SPP, à qui le tour ?
Ludovic HENRARD
FEDITO Bruxelloise